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Le journal Tiempo Argentina s’engage dans l’autogestion

18 juillet 2016

Au début de l’année, le journal argentin Tiempo Argentina (www.tiempoar.com.ar) a été mis en faillite par ses anciens propriétaires. Après quatre mois de conflit, 125 travailleurs ont créé la coopérative Por Más Tiempo, relevant le défi de continuer à produire chaque dimanche l’énorme tirage du journal distribué en kiosques dans la capitale et dans le grand Buenos Aires : leur slogan, « Maîtres de nos écrits ».

« Cette nouvelle initiative est le résultat d’une très longue lutte. Nous débordons d’attentes et d’une énergie renouvelée. Elle nous offre une solution en matière de revenus : après tout, la chose la plus importante pour les gens c’est de conserver leur emploi », dit Randy Stagnaro, enthousiaste, l’actuel secrétaire de la coopérative de travail associé.

Une assemblée a créé la coopérative Por más Tiempo devant l’Institut national des associations et de l’économie sociale (INAES). Après une bataille de quatre mois avec la direction qui a laissé la société exsangue avec une dette salariale importante, les travailleurs ont décidé de s’unir pour sortir une édition chaque dimanche. Le journal est imprimé dans le voisinage de La Boca par la coopérative graphique Patricios, une société aussi récupérée. Une version en ligne sera également éditée tous les jours.

Les membres de la coopérative ont mis en place un service d’abonnement. « Derrière le journal il n’y a pas d’entreprises, pas de partis politiques, pas de gouvernement : il y a des journalistes, des photographes, des concepteurs et d’autres travailleurs qui ont décidé de sauver le journal et leurs emplois » explique-t-il depuis le bureau de la rédaction.
Christian Miño, président de la Confédération nationale des coopératives de travail associé d’Argentine (CNCT), a déclaré que « cette initiative est sans aucun doute une avancée majeure pour les travailleurs qui ont décidé de mener la lutte, pour réoccuper l’espace connu de tous les Argentins ». La Confédération a accompagné les travailleurs dans leurs premiers pas par le biais de ses fédérations Fadiccra, Facta et Red Colmena.

Adrián Murano, rédacteur en chef, réfléchit aux temps que les Argentins vivent avec le nouveau gouvernement de Mauricio Macri. « Il existe une volonté affirmée de contrôler l’agenda public par des coupures délibérées, nous voyons aujourd’hui les efforts coordonnés du gouvernement et des médias en Argentine : c’est une politique éditoriale de censure » dit-il. « Tiempo Argentina se libère de ce corset étouffant et exprime sa propre opinion, celle qu’elle a toujours eue depuis ses débuts, sans prétendre détenir le monopole de la vérité, quelle qu’elle soit. À un moment si important pour la démocratie nous devons confirmer qu’elle ne peut exister qu’avec une pluralité de voix. La démocratie a besoin de débats de société, elle doit être continue et cela ne peut être que s’il existe de nombreuses voies différentes d’accéder aux multiples interprétations de la réalité et des faits : les nouvelles ne manipulent pas seulement les faits, elles les occultent ».

Les bureaux de la rédaction

Ces dernières semaines il est apparu que SPF3, propriétaire des locaux du journal, n’est pas très disposée à trouver un accord qui permettrait aux travailleurs de louer les lieux.
Par l’intermédiaire de son avocat Martin Davicino, SPF3 a produit de bonne heure un avis d’expulsion, une injonction d’avoir à évacuer les locaux qui abritent non seulement le journal mais aussi les studios de Radio América.

La coopérative avait proposé de louer cet espace, situé dans le district de Palerme de Buenos Aires, pour une durée d’un an, elle devra quitter le bâtiment sous peine d’en être expulsée. Les membres de la coopérative essayent d’obtenir un délai de six mois.

« À la lumière d’un si long conflit, la hâte soudaine des propriétaires du bâtiment de nous voir partir est plus que parlante. C’est en totale opposition avec la patience qu’ils avaient montrée à l’égard des anciens propriétaires du Tiempo Argentina et de Radio América, Sergio Szpolski et Matías Garfunkel qui n’avaient pas payé leurs loyers pendant presqu’un an ».